Transitions économiques et écologiques : les enseignements du Forum d’Aix-Marseille

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Transitions économiques et écologiques : les enseignements du Forum d’Aix-Marseille
Pablo Longoria, président de l'OM, est venu clôturer le Forum d'Aix-Marseille sur l'engagement de la jeunesse, véritable force pour le territoire.
03 Octobre 2024 / Eco-Industries, Investir en provence, Santé & Bien-être

Comment les métropoles façonnent l'avenir ?

Selon le baromètre EY, 40 % des implantations et des emplois créés en France par des investisseurs étrangers se concentrent dans les petits territoires. Dans les arbitrages mondiaux effectués par les entreprises, la France se distingue par sa stabilité économique et ses incitations financières, telles que le Crédit d'Impôt Recherche (CIR). Pour les métropoles, plusieurs facteurs d'attractivité sont déterminants : la capacité d'innovation, la création de synergies entre acteurs économiques, ainsi qu’une vision à long terme pour préparer l’avenir. C’est sur ces sujets que s’est penchés la 3e édition du Forum d’Aix-Marseille le 25 septembre à la CCI Aix-Marseille-Provence.

Pour explorer la question des métropoles comme moteur des transitions économiques en France, le Forum d’Aix-Marseille a réuni plusieurs dirigeants de grands groupes internationaux dans les secteurs de la santé et de la décarbonation industrielle, deux domaines en pleine mutation dans lesquels s’inscrivent les métropoles.

«Un des aspects distinctifs de la Métropole Aix-Marseille-Provence en matière d’investissements directs étrangers est qu’elle enregistre plus de nouvelles implantations que d’extensions. Dans le contexte national, cela constitue une véritable singularité, permettant au territoire de se renouveler plus rapidement», a expliqué Marc Lhermitte, Senior Partner EY Consulting, lors de la présentation du baromètre de l'attractivité de la France 2024, mettant également en lumière l’ancrage euro-méditerranéen de ces implantations avec une majorité d’entreprises attirées venant d'Afrique et d'Europe en 2023.

Dans la cartographie des investissements étrangers du secteur des télécommunications, Fabrice Coquio, Directeur Général France de Digital Realty, a souligné lors du Forum le rôle clé de Marseille bientôt 5e hub mondial des flux de données. «Trois villes dans le monde bénéficient d’un avantage géographique similaire : Miami, Singapour et Marseille. Cependant, Marseille connaît actuellement la plus forte croissance, avec une augmentation de l’ordre de 40 à 45 % des échanges de données par an. C'est pourquoi, après avoir investi 500 millions d'euros, nous prévoyons d'investir 1 milliard supplémentaire d'ici deux ans» a-t-il déclaré, ajoutant que l’impact environnemental des datacenters à l’échelle mondiale, bien qu'il doive être relativisé, est un enjeu majeur pour le groupe. A Marseille, grâce à des eaux souterraines et une technologie de refroidissement inédite, 3 datacenters de Digital Realty sont dotés de cette innovation éco-responsable, le river cooling, 30 fois plus économe en énergie qu’une solution de refroidissement traditionnel.

Encourager la R&D dans la santé pour faire progresser la souveraineté française

Parmi les thématiques clés des transitions économiques, le Forum d’Aix-Marseille a choisi d’axer sa première table-ronde sur la souveraineté dans la santé en s’interrogeant sur la contribution des multinationales en lien avec l’hôpital.  

En préambule, François Crémieux, Directeur de l’AP-HM, a souligné l'exceptionnelle attractivité de la France en matière de santé grâce à son financement solidaire qui garantit des soins de qualité accessibles à tous. «Les services publics en France et notamment hospitaliers sont des atouts pour les territoires et pour l’attraction de grandes entreprises mondiales» a-t-il affirmé.

Pour renforcer son positionnement à l'international et s’imposer comme un acteur fort des transitions en matière de santé, trois axes majeurs ont été mis en avant : favoriser l'intégration des activités cliniques avec la recherche fondamentale, intensifier les collaborations entre les acteurs publics et privés, et penser la chaîne de valeur dans sa globalité.

Appuyée par le gouvernement, la création de bioclusters dans les métropoles réunit ces trois conditions, comme à Marseille, où un financement de 97 millions d'euros a été obtenu pour donner naissance à un biocluster en immunologie "Marseille Immunology Biocluster" (MIB) dont un des premiers engagements sera d’augmenter les essais cliniques en phase 1 et 2.

En ayant une vision à long terme avec une ambition internationale, Olivier Guitard, Directeur Général Europe du Sud de la société allemande Sartorius, fournisseur de premier plan pour les laboratoires pharmaceutiques, est convaincu que Marseille a tout le potentiel pour devenir un leader mondial en immunologie.

Le Dr. Luca Mollo, Vice-Président et Directeur Médical de Pfizer France, qui mène 76 études cliniques en France représentant près de 35M€ d’investissement par an, a attesté lors de sa prise de parole de la pertinence des partenariats publics-privés pour développer des innovations thérapeutiques. Le groupe, qui commercialise dans l’hexagone 100 molécules, vaccins et médicaments, soutient aussi l’innovation de rupture, notamment via des fonds d’investissement. «Nous misons sur les unités de recherche universitaire, les biotech, les start-ups et les entreprises partout en France et avons annoncé des investissements à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour renforcer la R&D française ainsi que la production pharmaceutique.»

Témoignant de l’intérêt de Plug and Play pour Marseille et notamment sa stratégie de biocluster, Fabian Scheugenpflug, dirigeant d’un Tech center à Munich, a déclaré : «Nous croyons fermement à l’open innovation même si, dans le secteur de la santé, il faut investir 10 fois plus pour lancer une biotech que pour tout autre entreprise technologique. La stratégie du biocluster marseillais nous intéresse, car elle fait progresser tout un écosystème dans une même direction.»

Olivier Oreistein, Directeur Grands Comptes chez GE Healthcare, leader mondial des technologies médicales, a mis en lumière la contribution de l'entreprise à la souveraineté sanitaire de la France, notamment grâce à un important site de production implanté en France et à l'emploi de 600 chercheurs français. Il a également mentionné le partenariat avec les hôpitaux de Marseille pour le renouvellement de son parc d'imagerie. «Ce partenariat inédit avec l’AP-HM est bénéfique pour les deux parties, car il nous permet de développer des technologies et des nouvelles pratiques en collaboration étroite avec des équipes exceptionnelles de renommée internationale, et particulièrement ouvertes à dispenser des formations facilitant l’intégration de nos équipements dans les parcours de soins.»

Tracer le chemin de la transition écologique dans l’industrie

Invité à débattre sur les enjeux de décarbonation dans une deuxième table ronde, Alain Bécoulet, Directeur Général adjoint d’Iter, a planté sans ambages le décor «La décarbonation, ce n’est pas une option, ce n’est pas une mode, c’est une nécessité pour l’humanité. Ça va durer très longtemps et ça va coûter très cher. C'est le plus gros investissement que la planète va faire sur ce siècle» a-t-il déclaré en ajoutant que la première préoccupation dans l’urgence est de décarboner un maximum la production énergétique en s’appuyant sur les sources existantes : l’éolien, le photovoltaïque, l’hydroélectrique et le nucléaire dit classique de fission qui représente à lui seul environ 70% de la production électrique en France. Pour les entreprises étrangères, cette énergie nucléaire est attractive car elle permet de bénéficier d’un prix de l’électricité stable et compétitif au niveau européen.

Aujourd’hui, l’aventure du nucléaire se poursuit avec le projet international Iter, débuté en 2006 dans le Sud de la France, dont l’objectif est de démontrer la faisabilité de la fusion nucléaire avec l’ambition de pouvoir fournir une énergie illimitée et décarbonée dans quelques décennies.

Lors du Forum, Jean-Michel Mercier, Président d’Infineum France, joint-venture entre Shell et ExxonMobil basée à Berre l’Etang dans la Métropole Aix-Marseille-Provence, et spécialiste des additifs pour l’industrie automobile, a évoqué les investissements nécessaires pour la pérennité de ses activités «Pour assurer notre transition, nous devons faire évoluer notre modèle économique et investir dans des nouvelles technologies plus durables comme la capture de carbone ou les biocarburants. Après avoir réduit depuis de nombreuses années notre consommation énergétique et fait évoluer nos processus de production, nous devons envisager d’investir différemment en partenariat avec des consortiums».

Décarboner, c’est aussi mettre des moyens financiers dans l’optimisation et le traitement de l’eau, d’autant plus dans les régions à fort stress hydrique comme le Sud de la France. «Dans les usines, lorsqu'on économise de l’eau, on économise aussi de l'énergie, et un industriel peut réaliser jusqu'à 80 % d'économies d'eau dans ses installations. Cet investissement est aujourd’hui vital car d’énormes besoins sont à venir pour de nouveaux projets qui sont en train de se lancer dans l’hydrogène notamment.» a expliqué Thierry Troudet, Président France d’Ecolab.

Face aux montants très importants nécessaires au financement de la décarbonation, les fonds d’investissement évoluent également, a expliqué Jean-Luc Allavena, Président fondateur d’Atlantys et Associé, Apollo Global, parmi les plus grands fonds mondiaux avec 700 milliards de dollars d’actifs. «Au cours des dernières décennies, les fonds ont acquis des ressources à long terme, notamment grâce aux assurances-vie, aux fonds souverains, et plus largement à l'épargne en vue de financer de grands projets industriels aux rendements plus faibles mais sécurisés, comme ça peut être le cas dans le secteur énergétique où les flux peuvent être garantis par des contrats à long terme.»

Ces mécanismes de financement peuvent ainsi s'intégrer aux projets émergents dans les Zones Industrielles bas carbone (ZIBaC) françaises soutenues par le gouvernement, comme celle de Fos, qui inclut également l'Étang de Berre et Gardanne. Ces initiatives s'appuient sur des études menées sous la coordination de l'association PIICTO, en collaboration avec un collectif d'industriels. Le programme nommé Syrius, a pour objectif d'identifier les orientations stratégiques et les technologies prioritaires pour accélérer la décarbonation de l'industrie. Certains projets, déjà en phase de concertation au sein de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence, sont bien avancés pour créer les filières industrielles de demain.

En conclusion, la dynamique des métropoles françaises, comme celle d'Aix-Marseille-Provence, s'affirme non seulement par leur capacité à attirer des investissements étrangers et à innover dans des secteurs clés comme la santé et la décarbonation industrielle, mais aussi par leur rôle central dans les transitions économiques globales. Grâce à des stratégies de collaboration publique-privée et à des initiatives ambitieuses comme les bioclusters et les projets de décarbonation, ces territoires se positionnent comme des moteurs incontournables de la compétitivité et de la souveraineté française à l'international.