Débat : quels leviers pour accroître les compétences numériques en France ?

Un échange organisé à l’AmCham France à Paris, en partenariat avec Provence Promotion.

L’AmCham France - la Chambre de Commerce américaine en France - et Provence Promotion explorent en commun un sujet clé pour le développement des entreprises américaines en France. Aujourd’hui, 60% des salariés français n'ont pas les compétences requises pour accompagner la transformation numérique de leur entreprise. Comment former davantage aux métiers du numérique ? Quelles sont les solutions pour créer un véritable écosystème de compétences en France ?

Ces questions ont été posées aux directeurs de programmes dédiés à la formation de deux géants du numérique Cisco et Google, ainsi qu’aux dirigeants du hub des grandes écoles, Hi! PARIS, dédié à l’IA & à la data, du campus thecamp à Aix-en-Provence et de l’école inclusive La Plateforme à Marseille. Retour sur les échanges menés lors du petit-déjeuner débat du 1er février dernier à Paris.

Les besoins de recrutement dans les domaines du numérique ne cessent de croître sur le marché de l’emploi. Paradoxalement, selon une étude récente du cabinet de recrutement Korn Ferry, la France pourrait être déficitaire de 1,5 million de profils qualifiés d'ici à 2030, soit un manque à gagner de près 175 milliards d'euros pour l'économie nationale. Le numérique est pourtant un gisement d’opportunités pour la création d’emplois. Si cela sonne comme une évidence pour les professionnels du secteur, des efforts pour former plus massivement et des publics plus larges sont nécessaires.

Diversifier les profils et les modes de recrutements dans le numérique

C’est ce que défend quotidiennement depuis 21 ans Christophe Dolinsek, Directeur en France de Cisco Networking Academy, un programme mondial d'éducation créé en 1997 aux Etats-Unis pour pallier la pénurie de talents. «Nous dispensons des formations gratuites dans les domaines de l’informatique et des réseaux. Nous travaillons avec les ministères du Travail, de l’Education, de l’Industrie pour offrir des qualifications recherchées par les recruteurs. Les profils ne sont pas que des ingénieurs, ce sont aussi de nombreux techniciens, et en 20 ans d’existence en France, ce programme a permis à 300 000 personnes d’intégrer le marché du travail».

Même vocation pour La Plateforme, cette école dédiée aux métiers du numérique. Lancée en 2019 à Marseille dans les nouveaux quartiers d’Euroméditerranée, elle a pour ambition de former tous types de profils, d’accueillir des jeunes issus de quartiers difficiles, des personnes éloignées de l’emploi ou des salariés en reconversion. Ouverte à tous, sans conditions de ressources ou de diplômes, cette école contribue ainsi aux objectifs que s’est fixés le gouvernement pour atteindre 400 000 personnes formées au numérique en 2030.

L’enjeu est enfin de former plus de femmes, dont la présence déjà faible dans ces métiers est actuellement en recul, et de sensibiliser dès leur plus jeune âge les élèves au numérique, d’où la nécessité de former également plus d’enseignants.

Lever les freins des entreprises pour plus d’inclusion

Afin d’apaiser les tensions sur ce marché de l’emploi, les entreprises sont amenées à changer leurs habitudes de recrutements.

«Pour ne plus se tourner systématiquement vers les ingénieurs Bac +5, les entreprises doivent se concentrer davantage sur les compétences. Même si les mentalités changent, il est important de lever encore des freins et de démontrer la pertinence de parcours différents» raconte Cyril Zimmermann fondateur de La Plateforme avec 50 entreprises du territoire d’Aix-Marseille. «Les écoles inclusives comme la nôtre ont des concours d’entrée sélectif. 1 candidature sur 7 est retenue. Nous cultivons donc aussi l’excellence !».

Via leur compte personnel de formation (CPF), les dirigeants eux-mêmes sont aussi incités à se former pour s’acculturer au numérique. Pour les gérants de PME, les professionnels indépendants, les artisans, Google a déjà mis en place depuis plus de 10 ans des Ateliers Numériques en région. Soutenus par la CCI Aix-Marseille-Provence, Marseille était une ville pionnière de cette initiative.

Les acteurs économiques d’Aix-Marseille souhaitent répondre aux enjeux de compétitivité des entreprises en créant des cercles vertueux pour accélérer la transition numérique. L’ambition partagée est de former 20 000 talents d’ici 7 ans et devenir l’épicentre européen du numérique.

Soutenue par le programme du Gouvernement “Le grand Marseille du numérique pour la jeunesse”, élue Capitale européenne de l’innovation en 2022 et classée 7ème hub mondial de connexion internet grâce à ses infrastructures numériques et de télécommunication concentrées sur le Port de Marseille Fos, la Métropole d’Aix-Marseille-Provence est dans la course internationale. Pour engager la France dans plus d’inclusion et de diversité, les grandes entreprises américaines présentes en France peuvent apporter leur aide, leurs managers étant déjà largement sensibilisés à cet enjeu.

Croiser les compétences pour élargir la vision des futurs diplômés

Pour Raphaëlle Gautier, Directrice Executive de Hi! PARIS, il est important d’offrir des formations multidisciplinaires en décloisonnant les silos de compétences. «La France avec l’Europe sont en retard sur les Etats-Unis et l’Asie. Nous souhaitions former des diplômés acculturés à l’ingénierie, aux techniques de management et aux aspects créatifs d’un projet. Ce triptyque est très compétitif dans les domaines de l’IA et de la science des données».

Née en 2020, sous l’impulsion de l'Institut Polytechnique de Paris (IP Paris) et HEC Paris, puis rejoint récemment par Inria (Centre Inria de Saclay), Hi! PARIS est un Centre sur l'intelligence artificielle et l'analyse de données qui a mis au cœur de son projet le croisement des expertises : «Rendre les métiers du numérique attractifs, c’est aussi montrer qu’ils ont du sens, qu’ils peuvent servir des objectifs positifs pour notre société et notre environnement» affirme Raphaëlle Gautier interrogée sur le sujet de l’attraction et de la rétention des talents.

Accélérer le déploiement des formations numériques en créant des écosystèmes

Au sein du campus thecamp à Aix-en-Provence, l’approche est identique, conscient que les transformations numériques doivent s’accompagner d’autres changements en termes de management et d’impact pour répondre aux enjeux actuels de société et pour la planète.

Selon Kevin Polizzi, serial entrepreneur marseillais, président de thecamp, il est essentiel d’arriver à former plus de techniciens en créant des écosystèmes de compétences : «Avec L’Épopée qui source les talents, La Plateforme et à l’avenir le campus Theodora qui les forment, et enfin avec thecamp qui permet de réactualiser ses compétences tout au long de la vie, nous mettons en place des cercles vertueux. Nous avons réfléchi à structurer les investissements sur le territoire d’Aix-Marseille pour créer un véritable parcours de compétences ouvert à tous» explique-t-il «Le numérique n’est pas un acquis, ce doit être un processus pour développer l’employabilité».

Dans la continuité des Ateliers Numériques, Google a annoncé au mois de novembre offrir 10.000 formations en ligne à des catégories sous-représentés dans les métiers du numériques. Une façon de s’engager encore davantage en faveur de l’inclusion numérique et de la compétitivité française.

Provence Promotion est membre de l'AmCham depuis 3 ans, ce qui lui permet de créer des passerelles entre les entreprises d'Aix-Marseille et les investisseurs américains autour de différentes thématiques. L’AmCham France a été fondée en 1894 pour promouvoir les échanges économiques entre la France et les Etats-Unis.